Article Vatican News – 10/06/2023
Sœur Esther Alaam, de la congrégation des sœurs pauvres des écoles de Notre-Dame, témoigne à propos de son métier de sage-femme qu’elle exerce actuellement au Ghana. Pour elle, faire naître des enfants, c’est «participer à la création» divine.
Mon expérience dans le domaine de la santé a été un voyage d’apprentissage, d’aide, d’autonomisation et d’amour. J’ai découvert qu’il existe de nombreuses raisons pour lesquelles certaines personnes ont du mal à rester en bonne santé. Ces raisons incluent la pauvreté, le manque de soins médicaux et d’éducation, des pratiques et des croyances néfastes, voire des maris ou des membres de la famille hostiles. En tant que professionnelle de la santé, j’essaie d’aider chaque individu à résoudre ces problèmes avec l’assistance de la famille et de la communauté.
Je suis actuellement sage-femme dans une maternité à Nsawam, au Ghana. Travailler avec des mères, des bébés, des familles, des jeunes, des couples et des femmes enceintes pour qu’ils soient en bonne santé est à la fois plein de joie et stimulant. Participer au processus d’accouchement a toujours été une expérience formidable. C’est pour moi l’occasion de participer à la création de Dieu, et c’est l’une des expériences les plus incroyables. Je ne cesse de m’émerveiller du fait d’être parmi les premiers à accueillir un nouveau-né dans ce monde.
Gratitude pour la vie naissante
Je ressens un sentiment profond d’accomplissement et de service à Dieu lorsque j’accepte la confiance des parents et que j’assume la responsabilité de soigner, de nourrir et d’assister leurs bébés. Même après leur sortie de l’hôpital, nos chemins se croisent encore. J’arrive à suivre ceux qui vivent à proximité, et j’assiste parfois à leurs cérémonies de baptême. J’en vois d’autres lorsqu’ils reviennent pour les vaccinations et les examens de contrôle. À mesure qu’ils grandissent, mon cœur bondit de joie à chaque fois que je les vois. Je me sens comblée, reconnaissante et émue de participer à la création de Dieu.
Le temps passé dans le service m’a appris que, quelles que soient les connaissances de la sage-femme, celle-ci ne cesse d’en apprendre davantage au fil de ses expériences. Dans certaines situations, une aide médicale spécialisée est nécessaire, quand il faut prendre des décisions difficiles, quand la femme doit être orientée vers d’autres soins. Savoir comment évaluer la situation dans son ensemble et quels appels doivent être passés fait partie des compétences de la sage-femme. C’est pourquoi je m’engage à apprendre tout au long de ma vie.
Une nécessaire délicatesse
Mon expérience m’a appris que les réprimandes et les reproches n’incitent pas les gens à mieux prendre soin d’eux-mêmes. Au contraire, cela les effraie et les empêche de faire part de leurs besoins et de leurs sentiments, ce qui les pousse à tomber entre de mauvaises mains et à s’adresser à de faux professionnels de la santé. Cela m’a appris à être douce et compréhensive dans mes rapports avec les patients.
Une grande partie de mon travail, comme celui de toute autre sage-femme, consiste à répondre aux besoins des femmes en matière de santé. La chose la plus importante que l’on puisse faire pour la santé d’une personne est de l’écouter, de connaître ses opinions, ses expériences, ses besoins, ses questions et ses inquiétudes. Pour cela, il faut parler avec elle, et non pas seulement lui parler, lui faire comprendre que l’on se soucie d’elle. Souvent, un mot gentil, une caresse affectueuse ou une conversation respectueuse font plus que des médicaments. Montrer de l’attention et du respect à une femme l’aide à se respecter et à se soigner elle-même.
Je sais aussi que le changement prend du temps. Il m’a fallu du temps, par exemple, pour accepter ce que le Covid-19 nous a apporté. Tout a basculé et beaucoup d’entre nous à l’hôpital ont pris peur. Pourtant, nous devions continuer à voir toutes les personnes qui avaient besoin de nos soins et de notre aide. Cette période a vraiment renforcé nos liens entre collègues et nous a rapprochés comme une famille. Nous avions besoin les uns de l’épaule des autres sur laquelle nous appuyer. Sachant qu’aucun d’entre nous n’a tous les atouts en main, nous continuons à lutter contre ce virus. En outre, j’ai appris que lorsqu’une personne travaille avec d’autres pour construire une unité ou une communauté forte, ils font la différence, même si les changements ne sont pas immédiatement visibles. La présence et un petit conseil encouragent les autres d’une manière dont on ne se rend peut-être pas compte.
Accompagner vers l’autonomie
Les quelques années que j’ai passées dans le secteur de la santé m’ont permis de réaliser que les personnes dont je m’occupe prêtent davantage attention à ce que je fais qu’à ce que je dis. En tant que sage-femme, j’ai appris à être un bon exemple pour les femmes par la manière dont je les traite. Par exemple, avant d’enseigner l’hygiène aux femmes, je m’assure d’abord d’avoir lavé mes mains et nettoyé le lieu où je les reçois. Les personnes avec lesquelles nous travaillons ont également des attentes à notre égard. Nous devons donc rester honnêtes et transparentes dans nos relations.
Il est important d’aimer ce que l’on fait, et d’après ma petite expérience, la profession de sage-femme est pleine de joie. J’ai rencontré différents types de personnes et de personnalités, j’ai appris ce qu’elles pratiquent et ce qu’elles croient, j’ai accueilli de nombreux bébés dans le monde et j’ai constaté à quel point Dieu agit merveilleusement dans les phases de l’accouchement. Si nous aimons ce que nous faisons, nous travaillerons mieux et les gens voudront suivre notre exemple.
Une autre valeur que j’ai vue et apprise est l’émancipation des autres. Nous rendons les mères autonomes par l’éducation à la santé que nous leur donnons chaque jour. Cela les aide à prendre leurs propres décisions et à améliorer leur vie. Lorsque les gens se sentent autonomes, ils ont le courage d’utiliser leurs propres capacités; ils connaissent leurs propres valeurs et y croient.
Prière et abandon
Chaque jour apporte son lot d’expériences. J’aborde donc ma journée les mains ouvertes, convaincue que Dieu sera avec moi dans chaque rencontre. Chaque jour, lorsque je quitte la maison pour me rendre à la clinique, j’emporte avec moi l’espoir, l’amour, la confiance, la compassion, l’empathie — prête à faire ma part, sachant que Dieu fera le reste.
Lorsque la journée est terminée, je porte avec gratitude tous ceux que j’ai accompagnés au cours de la journée dans mes prières personnelles et communautaires. Je prie pour que les enfants que j’ai aidés au moment de la naissance grandissent et deviennent des hommes et des femmes pleinement humains, pleinement vivants et responsables, là où Dieu veut qu’ils soient.