De la participation active des personnes en situation de handicap aux célébrations.
Dans son article « La vocation baptismale de la personne handicapée », Anne Raoul nous développe la vocation des personnes handicapées en tant que prêtre, prophète et roi.
Aujourd’hui, Francine témoigne de cette belle relation qu’elle entretient avec Victor, jeune homme avec un handicap, et de la vocation baptismale qu’il partage avec tous les baptisés.
Pour appuyer ce partage d’expérience que relate Francine Martin plus bas, c’est plutôt sur la mission sacerdotale de tous baptisés que nous nous attarderons et laisserons guider par l’enseignante-chercheuse à l’Université catholique de Lille :
« [ …], une personne incapable de parler ou de se déplacer, rappelle à travers ses capacités sa présence aimante et la présence du Christ en elle. Son témoignage de fidèle confirmé ne consiste ni en de grands discours ni en un « faire » mais en une relation, un « être » avec une paroisse. Enfin, même si la personne n’a pas la possibilité d’exprimer verbalement la différence entre Corps et Sang du Christ et pain et vin ordinaires, son attitude de recueillement, de respect, de calme quand elle participe à une Eucharistie, peut en dire plus long que toute parole.
[…] La personne handicapée a donc un rôle à jouer comme prêtre. Le canon 210 rappelle que « tous les fidèles doivent, chacun selon sa condition propre, s’efforcer de mener une vie sainte, et promouvoir la croissance et la sanctification continuelle de l’Église ». Cela passe notamment par une participation active à la liturgie et la prière. Le canon 214 prévoit en effet que : « Les fidèles ont le droit de rendre le culte à Dieu […] et de suivre leur forme propre de vie spirituelle qui soit toutefois conforme à la doctrine de l’Église. » La personne handicapée nous amène à nous interroger sur la place que nous lui faisons dans nos liturgies : « Participer à une célébration […] c’est aussi y contracter une responsabilité envers ceux que l’on accueille . » Le rôle de la liturgie est essentiel pour une personne handicapée : « La liturgie est la gardienne de la dignité de l’homme », déclarait le cardinal Carlo Caffarra, le 22 mai 2010, durant la remise du prix Defensor fidei. Par le don et le seul fait de se sentir aimé, elle adore, loue et rend grâce, implore de n’être jamais rejetée d’un tel banquet de noces . Cette responsabilité ne se limite pas à des aménagements techniques tel un plan incliné ou une boucle magnétique : à quoi bon si la personne handicapée ne se sent pas accueillie, attendue par la communauté ? Qui célébrons-nous si les plus vulnérables restent en marge ? Certes pas le Christ. Les évêques catholiques américains et anglais incitent à donner des responsabilités liturgiques aux personnes handicapées : il n’est pas nécessaire de savoir marcher pour proclamer la Parole de Dieu, ni de pouvoir se tenir debout pour donner la communion, ni de savoir lire et écrire pour être servant d’autel. La personne handicapée a pour mission la prière, et c’est parfois dans certains cas extrêmes la seule chose qu’elle puisse encore faire, pour elle, pour les autres, pour le monde : n’hésitons pas à la lui demander et à l’accompagner dans cette démarche en proposant de prier ensemble. »
Après avoir été nourris par les propos argumentés de la théologienne, découvrons avec plaisir le récit de cette émouvante relation entre Francine et Victor :
Un mercredi soir
Chaque mercredi, au séminaire de Tournai, se célèbre la messe des étudiants animée par ceux-ci en collaboration avec les religieuses de l’Assomption.
Victor, accompagné de sa maman, est fidèle à cette rencontre. C’est un jeune-homme qui fait partie d’une communauté Foi et Lumière.
Avec Victor, j’ai un parcours d’une vingtaine d’années de découverte: un lien tissé dès son enfance, à l’école, une relation développée à petits pas, mais indéfectible.
Sœur Pascale l’avait intégré à la célébration en l’invitant à porter le pain à l’autel; il accomplissait cette mission avec joie et respect.
La religieuse étant appelée vers une autre communauté, la relève n’était pas assurée.
C’était sans compter sur Soeur Patrizia, vrai soleil de l’Italie, je lui parle de Victor, elle écoute.
Le mercredi suivant, nous en reparlons en présence de Victor: il se tient un peu en retrait mais capte nos paroles.
Au moment voulu, stimulé par sa maman, Victor se lève mais, au lieu de se rendre directement à l’endroit prévu, il se tourne vers moi, marque un arrêt et me gratifie d’un regard intense et d’un sourire radieux.
Cette communication non verbale s’est révélée plus dense que les mots. Victor m’a simplement dit “merci” pour mon intervention.
Si un jour, je doute de l’humanité, si un jour je ressens trop violemment la noirceur de la vie, ce regard, ce sourire de lumière ressusciteront l’espoir.
Francine Martin
Natacha Coosemans