« C’est avec ce fauteuil que le Christ m’appelle à être missionnaire »

Article Aleteia – 29/01/2024

Louis attend dans sa chambre, installé dans son fauteuil noir, le dos et la tête très droits. Il ne bouge presque pas, et pourtant il incarne l’exact opposé de ce qu’est l’inertie. Il vit, et il vit pleinement, Louis. On pourrait penser que la vie ne l’a pas gâté, voire qu’elle l’a déshérité. On lui a diagnostiqué à 2 ans et demi une « myopathie de Duchenne ». Cette maladie génétique évolutive touche les muscles, progressivement affaiblis puis paralysés. En grandissant, Louis a perdu l’usage de ses bras, puis de ses jambes. Sa capacité respiratoire baisse elle aussi : le jeune homme est placé sous aide respiratoire la nuit, et le sera bientôt de jour. « C’est difficile, mais quand on a des raisons de vivre, on avance », sourit-il.

Une injustice, la maladie ? « Non. C’est une épreuve. Dans notre vie, on souffre tous à un moment donné : il faut juste donner une autre dimension à cette souffrance. C’est la foi qui permet cela. La foi, c’est se rappeler le mystère de l’Incarnation : je crois fermement que le Christ est venu partager ma souffrance. Il ne se dérobe pas, il se fait proche. Cela aide à comprendre que Dieu ne veut pas la souffrance, il la combat. Et plus que ça, il vient nous y rejoindre. » Et sa dignité, alors ? Ne se trouve-t-elle pas amochée, amoindrie, amputée ? « C’est la société actuelle qui veut brader la dignité », répond-il d’une voix teintée par la colère et l’indignation. « Comme si la souffrance ôtait la dignité ! C’est une énorme erreur de penser que la dignité humaine peut se perdre : on est digne parce qu’on est humain. La dignité est inaliénable. Ce qu’il faut, c’est lutter contre la solitude et l’exclusion : c’est cela qui tue. »

Sa vie de petit garçon handicapé se heurte au regard des autres : empreint de peur plus que de méchanceté. « La différence nous renvoie à notre propre fragilité, et cela nous fait peur, donc on cherche à fuir. Plus on est jeunes, plus c’est violent : on verse plus facilement dans la moquerie. » Pour affronter le handicap, Louis n’est pas seul. Sa grande force, c’est sa famille, qu’il chérit tant. « Je ne vis pas mon handicap seul, on le porte à plusieurs. C’est une grande grâce. »

Se convertir tous les jours

Pourtant, la vie ne lui laisse pas le privilège de garder cette famille tant aimée complète : le 2 mai 2021, sa mère, Aurélie, décède brutalement après une chute de cheval. Louis commence par demander à ce que sa mère soit sauvée, puis à accepter la volonté de Dieu. « Cette épreuve est un tremblement de terre. Perdre sa maman, c’est d’une rare violence », reconnaît-il, la voix entrecoupée de tremblements maîtrisés. « J’ai eu la chance d’avoir une famille priante. Donc, comme un automatisme, pour garder la tête hors de l’eau et ne pas sombrer, j’ai prié. Cela n’enlève pas la douleur. Mais c’est là qu’est toute l’espérance chrétienne : comprendre que la vie est uniquement un passage. Notre cité se trouve dans les cieux. Je le vis déjà avec mon handicap mais la mort de maman m’a fait prendre conscience de la vie éternelle : le ciel s’est déchiré. Même si, humainement, tout vacillait, il y avait cette image du Christ-rocher, plus forte que tout. » 

Aujourd’hui, affirme-t-il, son handicap pourrait bien être sa plus grande force. « Je peux témoigner avec lui qu’on peut vivre malgré la souffrance, et montrer que le Christ vit en moi. C’est comme ça, je pense, avec ce fauteuil, que le Seigneur m’appelle à être missionnaire. Pour cela, il faut se rendre disponible à la grâce de Dieu : un peu comme un vitrail, nous sommes appelés à laisser passer sa Lumière. C’est un acte de conversion quotidien : celui de dire oui à Dieu chaque matin, et de réajuster tout ce qui n’est pas ordonné vers Lui. » Car le but demeure le même : « Il faut comprendre que nous sommes faits pour la vie éternelle. Tout est éphémère, nous ne sommes que de passage. Tout est fait pour nous apprendre à aimer, ici bas. Cette vie terrestre, il faut la vivre comme une préparation à la grande rencontre avec Dieu. »

Cécile Séveirac – Aleteia

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