En Eglise, comment mieux accueillir les personnes handicapées ?

Article de Anne-Françoise Beaudrap pour CathoBel

Combien de croyants ne peuvent pas se rendre à la messe le dimanche en raison d’un handicap? Et s’ils venaient à l’Eglise, trouveraient-ils quelqu’un pour les aider à y entrer avec leur fauteuil roulant? Voilà quelques-unes des questions qui se posent très concrètement à quantité de chrétiens. Les chiffres impressionnent: ce n’est pas moins de 10% de la population belge qui souffriraient d’un handicap. Leurs limites peuvent concerner la vue, l’ouïe, la capacité de raisonner ou la possibilité de se déplacer – au total, neuf types de handicap sont reconnus par les spécialistes. Ne serait-il pas possible que les uns comme les autres puissent bénéficier des mêmes droits d’accès aux services religieux?

Tous fils de Dieu

« A la messe, le prêtre parle et je ne comprends rien » , nous confie cette personne; dont les préoccupations sont très concrètes: « le jour de mon mariage, je veux pouvoir comprendre et exprimer mon engagement par la langue des signes. » Sommes-nous vraiment tous égaux?

Le Dicastère pour les Laïcs, la Famille et la Vie s’est déjà penché sur la question. « La vocation baptismale est vraiment pour tous, sans exclusion » , insiste-t-il. Dans une contribution au synode sur la synodalité intitulée « L’Eglise est notre maison », des personnes handicapées des différents continents ont réaffirmé la nécessité d’ « un changement de mentalité ». « Nous ne pouvons pas penser que le Père oublie quelqu’un ou le laisse en marge » , peut-on y lire.

Besoin les uns des autres

Fort de cette conviction, ce document apporté au synode montre que « la présence active de personnes handicapées peut aider l’Eglise à surmonter la mentalité efficace et marginalisante de la société d’aujourd’hui. » Le pape François lui-même évoquait en juin dernier le « magistère de la fragilité ». Le fait de « voir la fragilité d’un frère », souligne le document écrit par les personnes handicapées, amène à réfléchir « sur le fait que chacun […] a besoin de l’aide des autres » .

L’inclusion des personnes vivant une situation de handicap suppose d’abord de surmonter l’appréhension ou la crainte de ce handicap. L’abbé Benoît Lejeune qui travaille depuis plus de cinquante ans sur ces questions en est conscient. « Il faut partir du fait qu’il y a une méconnaissance de ce que vit la personne handicapée » , souligne-t-il. L’expérience lui a souvent montré que leur donner la parole, les écouter et les rencontrer telles qu’elles sont, fait souvent tomber les barrières.

Elisa Rojas peut en témoigner. Cette avocate vit avec la maladie des « os de verre ». « Nombreux sont ceux qui se demandent comment ils doivent se comporter« , souligne-t-elle. Comme dans bien d’autres domaines, l’ignorance alimente les fantasmes et les préjugés. Il reste à sortir le handicap de l’étrangeté », sans oublier qu’une personne ne se réduit pas à un aspect physique ou mental. « Notre regard doit dépasser le handicap pour découvrir une personne » , insiste la pastorale interdiocésaine francophone des personnes en situation de handicap.

Restaurer la dignité

L’abbé Benoît Lejeune rappelle les paroles du pape François: « Les personnes handicapées demandent à être des sujets actifs et non seulement des bénéficiaires » . Ce prêtre actif dans le diocèse de Liège estime que le message du pape « rejoint la dimension de l’Evangile: ce que vous avez fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous le faites » .

Un exemple concret illustre cette attitude communément adoptée face au handicap. Si quelqu’un hésite à venir par manque d’accessibilité dans un lieu dépourvu de plan incliné, la réponse fuse parfois: « Ne t’inquiète pas, on te portera avec ton fauteuil à l’intérieur. » L’abbé Benoît Lejeune, comme de nombreux autres, s’en indigne: « Ce n’est pas respectueux pour cette personne! » Cela suppose qu’elle s’adapte à une situation alors qu’à l’inverse, l’environnement ne s’adapte pas à sa place spécifique. Un autre connaisseur du handicap, Vincent Minet s’interroge d’ailleurs: « Pourquoi ne prévoit-on pas dans toutes les Eglises importantes une place pour les voiturettes? Cela éviterait de devoir déplacer des chaises quand une personne handicapée veut trouver une place » .

Un témoignage de Vincent Minet, parent de Martin (19 ans, trisomique),
à lire dans Dimanche du 4 décembre 2022

Pas de « eux » et « nous »

Au sommet des recommandations faites en matière d’inclusion arrive l’idée de ne plus distinguer entre « eux » (sous-entendu les personnes avec un handicap) et « nous » (les soi-disant bien portants). Affirmer ou laisser entendre « Toi, tu n’es pas comme moi » contribue à considérer l’autre différent et à le discriminer, même de façon non consciente. Dans le document rédigé par les personnes handicapées pour la consultation synodale spéciale, il ressort que très souvent « les personnes handicapées ne sont pas écoutées ou, du moins, leur contribution n’est jamais vraiment prise au sérieu » .

Pourtant, à entendre les multiples témoignages recueillis ici, tout le monde s’accorde sur le fait que personnes handicapés et valides ont tant à apprendre les unes des autres. Vincent Minet ne dit rien d’autre: « L’accueil des enfants handicapées dans nos Eglises, c’est une chose. Mais comment avoir un cœur et des gestes libres comme eux? Nul ne peut entrer dans le Royaume des Cieux s’il ne ressemble à ces petits. » La question ne repose donc pas sur le fait de « faire Eglise avec les personnes handicapées », mais de vivre en Eglise ensemble, solidaires et accueillant les uns pour les autres.

Anne-Françoise de BEAUDRAP

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