Article Diocèse de Tournai – publié le 14/04/2025
L’équipe d’Aiguillages, le service pastoral dédié aux personnes porteuses de handicap, a choisi la figure de Moïse pour guider une quarantaine de résidents dans une réflexion sur «ce qui enferme» et «ce qui libère».
Venus des institutions «La Pommeraie» et «Les Huit Bonniers», ils sont arrivés un peu avant 10h avec leurs éducateurs et éducatrices à Mesvin. Le 11 avril 2025, aux portes de la semaine sainte, ils étaient ainsi invités à une journée de ressourcement pour avancer, échanger, rire et chanter. Certains sont des habitués des activités lancées à l’initiative d’Aiguillages, d’autres sont là pour la première fois. Alors ils se présentent, ravis de recevoir les applaudissements nourris de l’assemblée.
L’Égypte, l’esclavage, un pharaon,… Voilà qui semble un peu compliqué. Philippe, membre de l’EAP de Péruwelz, évoque Pâques, Jésus, Moïse. Très vite, des questions fusent. «C’est quoi, un ancêtre?»… «C’est quoi, une momie?» ou encore «Pâques, c’est une grande fête!» Après une courte vidéo d’animation qui met en images l’histoire du prophète, quatre groupes se forment et se répartissent dans la grande maison diocésaine pour en discuter. Et pour rendre les choses plus concrètes, des photos sont proposées aux participants. Chacun doit en choisir deux, une qui exprime ce qui fait peur ou rend triste, une autre qui au contraire donne de la joie et libère le cœur.
Une palette de sentiments
Au milieu de toutes ces illustrations posées sur une table, Marie-Hélène a vu une maison en feu. Cela lui rappelle de mauvais souvenirs, car sa maison a brûlé, quand elle était plus jeune… Guillaume est impatient de prendre la parole, il a dû mal à attendre son tour. Sur sa photo, un enfant dans les bras de sa mère. «Ça me fait penser à l’amour de ma maman.» Anna, elle, est triste et ne parvient pas à retenir ses larmes. Parce que leur éducatrice, Agnès, vient de perdre son papa et Anna imagine sa peine. Des éducateurs qui jouent le jeu, eux aussi, et expliquent ce qui les effraie. L’actualité du moment, avec son lot d’inconnu et d’incertitudes, inquiète Timothée.
Dans un autre groupe, Rudy brandit une photo sur laquelle un mouton noir se détache au milieu d’un troupeau d’ovins tout blancs. «Il est différent, il est comme moi.» Cette différence, ce grand garçon aux yeux pétillants et au visage rieur, qui emmène avec lui les recueils de poésies qu’il a composées lui-même, la porte parfois comme un fardeau: «Je sens que je n’ai pas de valeur…» Pourtant, Rudy avance résolument dans la vie. Et ce qui l’aide, c’est de rigoler et de passer du temps avec sa famille.
De l’amitié, de l’attention…
Qu’est-ce que la peur? Est-ce normal? A-t-on le droit de la ressentir? Parfois, elle nous protège et nous empêche de faire des choses dangereuses… Mais comment lui faire face, comment l’affronter? «Moi, je l’ignore et je continue mon chemin», affirme Guillaume. D’autres font des bricolages, prennent le temps de se calmer, prient. Éponine, la passionnée de chant, préfère s’isoler dans sa chambre, ne pas en parler et la garder pour elle…
Après le pic-nic agrémenté de la soupe préparée par Monique et Vincent, les hôtes bienveillants et protecteurs du jour, tout le monde sort profiter un peu du soleil, sur la terrasse ou à l’entrée du parc. On joue, on papote, on fait des photos. On se rassemble même tous sur les marches pour une magnifique photo de groupe. Certains résidents ne se quittent pas. Soucieux les uns des autres, pleins de petites attentions. Heureux d’être là, de passer cette journée ensemble.
… et beaucoup empathie
Leur quotidien n’est sans doute pas toujours facile. Mais leur cœur est bien assez grand pour se préoccuper d’autres personnes en situation de souffrance, sur les chemins de l’exode. Car Moïse est encore présent. Au travers de Colette Bourdon, hébergeuse de migrants. Sur une grande carte colorée épinglée à un bout de la salle, elle montre où se trouvent l’Éthiopie et l’Érythrée, d’où viennent la plupart des exilés qu’elle a accueillis chez elle, le temps d’un repas, d’une douche, d’une nuit de sommeil. Elle décrit le trajet long et périlleux qui mène jusqu’à l’Europe, en passant par les geôles libyennes et les eaux impitoyables de la Méditerranée.
Colette raconte aussi la maison d’accueil collectif mise sur pied à Péruwelz par des bénévoles, pour loger et entourer les migrants qui campaient le long du canal. Au fil des mois, des centaines d’humains sont ainsi venus se réchauffer auprès d’autres humains avant de reprendre leur quête d’une vie meilleure, souvent jusqu’en Angleterre, mirage d’Eldorado.
En quittant la maison de Mesvin pour rejoindre leur résidence, Aurélien, Lucie, Pina, Laurent, Vincent, Christelle, Biagio, Béatrice, Delphine, Cassandra ou encore Michel vont emporter avec eux les souvenirs des rires, des chants, du goûter partagés. Mais aussi un peu des espoirs de ces jeunes venus de si loin, ayant quitté amis et familles, prêts à risquer leur vie pour avoir le droit de faire des projets dans un environnement qu’ils espèrent moins hostile.
Agnès MICHEL
(Photos A.M. et C. Lepage)
Vous pouvez retrouver cet article, ainsi que d’autres photos sur le site du Diocèse de Tournai