Message du Pape François à l’occasion de la Journée Internationale des Personnes Handicapées

Chers frères et sœurs,

Tous, comme le dirait l’apôtre Paul, nous portons le trésor de la vie dans des vases d’argile (cf . 2 Co 4, 7). La Journée Internationale des Personnes Handicapées nous invite à prendre conscience que notre fragilité ne ternit en rien «la splendeur de l’Évangile, la gloire du Christ», mais révèle «que cette puissance extraordinaire appartient à Dieu, et ne vient pas de nous» ( 2 Co 4, 4.7). En effet, sans mérites et sans discriminations, l’Évangile est donné tout entier à chacun et, avec lui, la joyeuse tâche de le proclamer. «Nous sommes tous appelés à offrir aux autres le témoignage explicite de l’amour salvifique du Seigneur, qui, bien au-delà de nos imperfections, nous donne sa proximité, sa Parole, sa force, et donne sens à notre vie» (Exhort. ap. Evangelii gaudium, n. 121). Communiquer l’Évangile, en effet, n’est pas une tâche réservée à certains, mais devient une nécessité incontournable pour quiconque a fait l’expérience de la rencontre et de l’amitié avec Jésus. [1]

La confiance dans le Seigneur, l’expérience de sa tendresse, le réconfort de sa compagnie ne sont pas des privilèges réservés à quelques-uns, ni des prérogatives de qui a reçu une formation soignée et prolongée. Sa miséricorde, au contraire, se laisse connaître et rencontrer de manière très particulière par celui qui n’a pas confiance en soi et qui ressent le besoin de s’abandonner au Seigneur et de partager avec ses frères. C’est une sagesse qui grandit au fur et à mesure que l’on prend conscience de ses propres limites, et qui permet d’apprécier plus encore le choix aimant du Tout-Puissant de se baisser sur notre faiblesse. C’est une prise de conscience qui libère de la tristesse de la plainte – même la plus justifiée – et qui permet au cœur de s’ouvrir à la louange. La joie qui remplit le visage de celui qui rencontre Jésus et qui Lui confie son existence n’est pas une illusion ni le fruit de la naïveté. Elle est l’irruption de la puissance de sa Résurrection dans une vie marquée par la fragilité.

Il s’agit d’un véritable magistère de la fragilité qui, s’il était écouté, rendrait nos sociétés plus humaines et fraternelles en amenant chacun à comprendre que le bonheur est un pain qui ne se mange pas seul. Combien la prise de conscience que nous avons besoin les uns des autres nous aiderait à avoir des relations moins hostiles avec celui qui est proche ! Et combien la prise de conscience que les peuples non plus ne se sauvent pas tout seuls, nous inciterait à chercher des solutions aux conflits insensés que nous vivons !

Aujourd’hui, nous voulons nous souvenir de la souffrance de toutes les femmes et de tous les hommes qui ont un handicap et qui vivent en situation de guerre, ou bien de ceux qui se retrouvent avec un handicap à cause des combats. Combien de personnes – en Ukraine et dans d’autres théâtres de guerre – restent emprisonnées dans les lieux où se déroulent les combats et n’ont pas la possibilité de s’échapper ? Il est nécessaire de leur accorder une attention particulière et de leur faciliter, par tous les moyens, l’accès aux aides humanitaires.

Le magistère de la fragilité est un charisme avec lequel vous pouvez – sœurs et frères en situation de handicap – enrichir l’Église. Votre présence «peut aider à transformer les réalités dans lesquelles nous vivons, en les rendant plus humaines et plus accueillantes. Sans vulnérabilité, sans limites, sans obstacles à surmonter, il n’y aurait pas de véritable humanité». [2]  Et c’est pourquoi je me réjouis que le parcours synodal s’avère être une occasion propice pour entendre enfin aussi votre voix, et que l’écho de cette participation soit arrivé dans le document préparatoire de la phase continentale du Synode. On y affirme : «De nombreuses synthèses soulignent le manque de structures et de moyens appropriés pour accompagner les personnes en situation de handicap et en appellent à de nouvelles façons d’accueillir leur contribution et de promouvoir leur participation : en dépit de ses propres enseignements, l’Église risque d’imiter la façon dont la société les rejette. Les formes de discrimination énumérées – le manque d’écoute, la violation du droit de choisir où et avec qui vivre, le refus des Sacrements, l’accusation de sorcellerie, la maltraitance – et d’autres encore décrivent la culture du rejet envers les personnes handicapées. Elles ne sont pas le fruit du hasard, mais ont en commun la même racine : l’idée que la vie des personnes handicapées a moins de valeur que les autres». [3]

Par-dessus tout, le Synode, avec son invitation à marcher ensemble et à s’écouter mutuellement, nous aide à comprendre comment dans l’Église, également en ce qui concerne le handicap, il n’y a pas un nous et un eux, mais un seul nous, avec Jésus-Christ au centre, où chacun apporte ses dons et ses limites. Cette conscience, fondée sur le fait que nous faisons tous partie de la même humanité vulnérable assumée et sanctifiée par le Christ, élimine toute distinction arbitraire et ouvre les portes à la participation de chaque baptisé à la vie de l’Église. Mais, plus encore, là où le Synode a été véritablement inclusif, il a permis de dissiper des préjugés enracinés. En effet, ce sont la rencontre et la fraternité qui font tomber les murs de l’incompréhension et qui aident à vaincre les discriminations. C’est pourquoi je souhaite que chaque communauté chrétienne s’ouvre à la présence de sœurs et de frères en situation de handicap, en veillant toujours à les accueillir et à les inclure pleinement.

On découvre qu’il s’agit d’un état qui nous concerne, et non pas eux, lorsque le handicap, qu’il soit temporaire ou dû au processus naturel du vieillissement, nous atteint nous-mêmes ou atteint l’un de nos proches. Dans cette situation, nous commençons à regarder la réalité d’un œil nouveau, et nous nous rendons compte de la nécessité d’abattre des barrières qui semblaient auparavant insignifiantes. Tout cela n’entame cependant pas la certitude que toute condition de handicap – temporaire, acquise ou permanente – n’altère en rien notre nature d’enfants du Père unique et n’altère pas notre dignité. Le Seigneur nous aime tous avec le même amour tendre, paternel et inconditionnel.

Chers frères et sœurs, je vous remercie pour les initiatives avec lesquelles vous animez cette Journée Internationale des Personnes Handicapées. Je les accompagne par la prière. De tout cœur, je vous bénis tous, et je vous demande, s’il vous plaît, de prier pour moi.

Rome, Saint-Jean-de-Latran, le 3 décembre 2022

FRANÇOIS

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[1] Cf. Message à l’occasion de la Journée Internationale des Personnes Handicapées, 25 novembre 2021.

[2] L’Église est notre maison. Synthèse de la consultation synodale spéciale de personnes handicapées, édité par le Dicastère pour les Laïcs, la Famille et la Vie, n. 2 : cf. site du Dicastère LFV.

[3] Document de travail pour la phase continentale du Synode sur la synodalité, n. 36.

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