S’adapter, de Clara Dupont-Monod

S’adapter, de Clara Dupont-Monod.
Prix Femina 2021, Prix Landerneau 2021.

Un livre, une fresque.

Elle ne se découvre pas, elle se dit. La pudeur qui se dégage est révélation.

Trois chapitres, trois segments de vie, trois plongées dans l’humain.

La scène. Un enfant inadapté au sein d’une fratrie : un aîné, une cadette et le dernier. Des parents aussi.

Le décor est puissant : la montagne cévenole.

« S’ils se taisent, les pierres crieront ». (Lc 19,40) .
Mieux, elles témoignent ; et leurs narrations nous emmènent à la suite de chacun des membres de la fratrie qui apprendront la vie à partir de celle, dépouillée, d’un frère aveugle, privé de la parole, immobile, …

Cette vie, « à portée de souffle », à elle seule, sera « un langage des sens, de l’infime, une science du silence, quelque chose qu’on n’enseigne nulle part ailleurs. A enfant hors norme, savoir hors norme. Cet être n’apprendrait jamais rien et, de fait, c’est lui qui apprenait aux autres ».

L’enfant que la normalité rejette est tantôt présence centripète, tantôt présence centrifuge. L’inadapté convoque l’adaptation. « Apprendre à faire avec et non faire contre. » « Dira-t-on un jour l’agilité que développent ceux que la vie malmène, leur talent à trouver chaque fois un nouvel équilibre, dira-t-on les funambules que sont les éprouvés ? ».

Tel un tourbillon, le lecteur fait une expérience sensorielle et émotionnelle exceptionnelle. Elle le transcende à travers la contemplation de ces bouts de vie ici livrées, elle fait sens. Elle rend hommage à toutes les familles fragilisées, elle est un hymne à la vie, à la nature aussi qui est source et ressource. Le cadre verdoyant est un ballet des sens. Le murmure des flots de la rivière, les oiseaux, les parfums de fleurs, d’herbe, le froissement de feuilles sur la peau, la caresse du vent, tout est dépeint avec force et délicatesse. Ils seront le berceau de l’enfant, complice d’une démonstration de bienveillance, du prendre soin de l’agnus Dei.

Au comble de l’émotion, l’auteure entraîne son public, les yeux encore embués, devant un dernier tableau, ô combien mystérieux. Le chrétien devinera la métaphore. Le spectateur sera bouleversé. Sa place ne sera plus celle-là, l’histoire est renversante, il deviendra acteur, il se voudra être au côté des vulnérables.

L’intérêt porté aux familles par le pape cette année sera honoré par cette œuvre qui regarde chacun des protagonistes déchirés d’une famille. Aussi, l’esprit Laudato Si trouve en ce récit une raison d’être toute discrète. Tout est lié dans le prendre soin.

Le miracle de la fragilité infuse le mystère de la vie.

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