Des moines valides et handicapés, une communauté bénédictine pour tous

Article Vatican News – 10/12/2023

Dans son intention de prière de décembre, le Pape invite à prier pour les personnes en situation de handicap. Rencontre avec une communauté de bénédictins en France qui accueille des frères fragiles ou handicapés pour vivre une vie communautaire pas tout à fait comme les autres.

C’est en faveur des personnes en situation de handicap que le Pape François dédie l’intention de prière du mois de décembre. L’actuel prieur général de la Congrégation Notre-Dame d’Espérance, qui a pour particularité d’accueillir en son sein des personnes en situation de handicap, père Guy-Marie Fort, se félicite de cette initiative: «Je pense que notre vocation de religieux s’inscrit bien dans cette décision du Pape. Dans notre communauté, nous apprenons à tout partager, même notre consécration au Seigneur». Il poursuit en affirmant que si l’Église doit prier pour les personnes handicapées, l’inverse est tout aussi vrai. Une prière pour le monde et pour l’Église mise en pratique dans sa communauté.

Un fondateur au service des plus fragiles

L’histoire de la communauté débute dans les années 1950 dans l’abbaye bénédictine Notre-Dame de Wisques près d’Arras. Un jeune maitre des novices, le père Henri-Marie Guilluy, se retrouve plusieurs fois dans l’obligation de refuser des candidats à la vie religieuse, en raison de leur handicap. Pourquoi? Un moine ne peut être une charge pour la communauté et doit pouvoir travailler pour subvenir aux besoins de la communauté.

Le père Guilluy, révolté par cette situation, décide d’accueillir coûte que coûte ces personnes fragiles et fonde une maison à Croixrault dans la Somme, qui deviendra par la suite la Congrégation Notre-Dame d’Espérance. «Son charisme était d’accueillir des personnes qui pouvaient mener une vie authentiquement monastique tout en portant un handicap. Authentiquement monastique dans le sens où ce qui est premier dans la vie monastique, c’est la prière», explique le père Guy-Marie Fort. «Notre fondateur estimait que des personnes avec un handicap pouvaient tout à fait être des témoins authentiques de l’amour de Jésus», poursuit-il.

Les frères de la communauté participent aux travaux d’extérieur en fonction de leurs capacités.

L’intuition du père Guilluy émerge au bon moment: dans les années 1970, le regard de la société française sur le handicap évolue. Sur le plan financier, l’allocation pour les personnes adultes handicapées est mise en place, permettant aux moines handicapés de participer aux ressources pécuniaires de la communauté. De plus, les découvertes médicales stabilisent l’état des personnes atteintes de troubles nerveux ou psychotiques. «Il y a toute une prise en charge médicale qui a été établie dans notre congrégation parce qu’on ne peut pas engager des personnes fragiles, sans avoir les moyens nécessaires pour contrôler leur état de santé», souligne le prieur de la Congrégation.

Une vie authentiquement monastique

Aujourd’hui, une centaine de frères dans huit monastères répartis partout en France, vivent cette vie monastique résumée par la formule «Ora et labora» («Prie et travaille»). Mais la particularité de la Congrégation nécessite quelques assouplissements. Pour la prière, les matines, premier office de la journée ne sont pas obligatoires pour offrir un temps de sommeil plus long à ceux qui en ont besoin. La journée de prière commence par «l’office des laudes à 7 heures pour tout le monde», explique le père Guy-Marie Fort, puis les offices se suivent tout au long de la journée comme le prévoit la règle bénédictine.

Dans la Congrégation Notre-Dame d’Espérance, le travail des moines dépend de leurs capacités physiques et cognitives. Les activités varient entre le travail extérieur, le travail de secrétariat, la cuisine, le ménage, les études pour certains… «Pour assurer notre subsistance, nous avons également un atelier d’art plastique dans lequel des objets sont fabriqués ou des tableaux sont peints. Ces œuvres sont vendues dans notre magasin» indique le père, également prieur de l’abbaye de la Grainetière en Vendée.

«Notre fondateur estimait que des personnes avec un handicap pouvaient tout à fait être des témoins authentiques de l’amour de Jésus» explique le père Guy-Marie Fort.
Une consécration à Dieu, avant-goût du Royaume de Dieu

Le choix de la vie religieuse pour une personne en situation de handicap ne consiste pas en une solution d’accueil banale et commune. Le père Guy-Marie explique que de nombreuses autres structures d’accueil existent et que l’entrée dans la communauté résulte de «la rencontre de deux volontés, celle de Dieu et celle du candidat qui est fragile, mais qui garde une certaine liberté». Un accompagnement au discernement est mis en place en fonction des besoins de chacun. Il ajoute: «La consécration à Dieu, c’est quelque chose qui nous montre le Royaume de Dieu, qui nous en fait vivre déjà».

L’engagement dans la communauté est bénéfique pour les personnes fragiles constate le prieur général. «La foi, l’espérance, ça fait vivre aussi. Prendre un engagement de tout son cœur envers le Seigneur, c’est quelque chose qui est bénéfique pour la santé spirituelle d’abord, mais aussi physique.»

Dans la Congrégation, les personnes en bonne santé côtoient les personnes en situation de handicap. Le père témoigne: «Moi j’ai choisi cette vocation parce que je trouvais qu’elle avait du sens. Être moine oui, mais aussi avoir cette dimension fraternelle pour être aidant en quelque sorte. Je pense que c’est très évangélique». L’attention à l’autre est donc première dans cette communauté, une altérité entre accompagnants et accompagnés qui en fait sa force car «on peut rapidement passer de l’un à l’autre», sourit le père Guy-Marie Fort.

Jean-Benoît Harel – Cité du Vatican

Vous pourriez aussi aimer...